9 juin 2009

let the sun shine in



Morse, un « petit baiser » porté à bout de lèvres, dense de non-dits, savoureux dans la forme mais âpre dans son déploiement…ce film Suedois a su créer le buzz qu’il mérite au détours des fonds de salles des festivals de genre. Raflant tout sur son passage, salué par les critiques avertis et rodés au profil casse gueule du vampire. Let the right one in, le titre original éponyme au roman de John Ajvide Lindqvist est un film sur papier glacé, un éclat dans les ténèbres…
Oskar est un enfant soumis, martyrisé à l’école, la rage sourde aux bords des lèvres. Nous sommes en 1982 dans la banlieue de Stockholm et le froid envahi le pays et le cœur du petit Oskar, l’opinel à la main, provoquant les arbres et le silence, il fait une rencontre qui changera à jamais son destin. Eli a 12 ans depuis longtemps, la bête est prisonnière d’un corps androgyne, soumise à ses pulsions meurtrières, avide du sang chaud de ses proies, Eli n’a d’immature que le corps et se pose pourtant elle aussi en victime. Aidée maladroitement par un « père » chargé de cueillir pour elle la sève rouge aux gorges de pauvres erres afin de nourrir son petit estomac noué. Mais l’homme est vieux et peine à nourrir l’enfant, peut être que le moment est venu pour Eli de trouver un nouveau protecteur, peut être est il temps pour la bête, d’aimer…

On entend l’écho des prédateurs , le film de Tony Scott qui maniait déjà avec volupté le thème du vampire immortel face à son amant éphémère (Bowie et Deneuve saisissants), Entretien avec un Vampire de Neil Jordan abordait la frustration de la femme prisonnière de son corps d’enfant (Kirsten Dunst troublante), mais Morse sublime et provoque à la fois, a 12 ans, un enfant n’a que la conscience de la sexualité, il ne la vit pas. C’est un amour platonique qui peu à peu s’insinue entre Oskar et Eli, bousculant leur vie, refoulant leurs instincts, projetant les amants dans la violence sourde d’un avenir à jamais différent. Ici, il n’est rien de plus effrayant que l’infini des plaines immaculées de Suède, rien de plus dérangeant que l’amour naissant de deux enfants, rien de plus sinistre que l’innocence…
Tomas Alfredson est un réalisateur de télévision, qui ne connait rien aux films de vampires et c’est peut être la raison qui fait que ce film est hors normes. Pourtant rien n’est laissé au hasard et les codes initiés par Bram Stocker dans le livre original de Dracula sont conservés ; le vampire ne supporte pas la lumière du jour et ne peut pénétrer dans une maison sans y avoir été invité, d’ailleurs ce dernier point rejoint le titre let the right one in et nous vaut une scène d’anthologie dans le film.

Il faut cependant garder à l’esprit que nous sommes très loin des mièvres minauderies de Twilight et de ses vampires "végétariens", ici le ton est glacé et glaçant, l’ambivalence prévaut et la violence est abrupte, sèche et sans concessions, le baiser est ensanglanté, la caresse est rugueuse. Comment expliquer alors la beauté des images, le ton mélancolique appuyés d’SFX imperceptibles à l’image des yeux d’Eli dans l’obscurité, quelque plans disséminés ça et là, quelques secondes sans complaisances et discrètes qui n’oublient pas de rappeler au spectateur que nous sommes en territoire fantastique. A ce titre, la fin a plusieurs niveaux de lecture, laissée en pourpoint à notre sensibilité, d’une violence rare, elle n’en est que plus magnifique.
Pour la petite histoire, il a quasiment fallu deux ans au réalisateur pour trouver les interprètes d’Oskar et Eli, il m’en faudra, je pense, beaucoup plus pour oublier ce voyage à leurs côtés…